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Pour relier Baiona à Nazaré, notre capitaine nous a prédit une journée 1/2 de navigation. Départ 12h30 le vendredi 29 août, et l’après-midi s’est déroulée sous le soleil, principalement au moteur.
La descente n’ayant eu aucun intérêt particulier, je vous propose de vous raconter une nuit en mer et d’en profiter pour essayer de répondre aux nombreuses interrogations concernant le déroulement des quarts. Bien entendu, chaque expérience est personnelle, et variable selon les jours, les conditions…..
Au soleil couchant, nous étions tous réunis sur le pont pour admirer le coucher de soleil, le premier pour les enfants depuis notre départ de Bretagne. Vers 21h30, les garçons me laissent seule sur le pont pour assurer le début de la veille. Nous sommes sous voiles à faible allure, le bateau avance tranquillement, nous longeons la ville de Porto.
Mon premier réflexe est de glisser les écouteurs de mon Ipod dans mes oreilles. Ceux qui me connaissent savent que je ne supporte pas le silence… Le second : attacher la longe de mon gilet de sauvetage sur la ligne de vie malgré la mer calme (pour rassurer mon amoureux). Les principaux dangers cette nuit sont les nombreux pêcheurs et leurs casiers ainsi que les autres navigants nocturnes. Il faut donc observer les alentours de notre Moussespic et guetter le moindre obstacle.
L’obscurité descend peu à peu, laissant place à une humidité très importante. Peu à peu l’ensemble du cockpit est mouillé, ce qui est plutôt inconfortable.
Etonnement, dès que la nuit prend sa place, la ville de Porto et son éclairage semble se rapprocher de nous. Bientôt, il fait trop sombre pour que moi, l’ « aveugle » de service, ait une chance de repérer les casiers.  Je me concentre donc sur les nombreux bateaux de pêche Portugais. La musique m’occupe suffisamment, alors je guette. Puis, le vent tombe : il va falloir remettre la bourrique en route. Je sais le faire, mais  je n’arrive pas encore toujours à enrouler seule le génois (grande voile située à l’avant)..alors j’appelle monsieur qui, heureusement, ne dort pas encore. Après avoir vérifié les environs (il fait confiance à sa femme mais pas trop quand même…) il retourne se coucher.
Mon choix est de rester à l’extérieur parce que je m’y sens mieux alors, enveloppée dans mon ciré, la musique diffusée à mes oreilles, les minutes puis les heures se succèdent. Il est vrai que j’ai l’habitude de rester éveillée de par mon travail de nuit. Il est néanmoins bien différent de rester seule, dans l’obscurité, et sur la mer, que dans un service animé avec des collègues sympas. Les quarts sont également l’occasion de réfléchir, penser justement à mes collègues qui bossent. Je suis un brin nostalgique en observant les étoiles, qui me rappellent les nombreuses personnes qui nous ont quittées récemment ou non. Dans un an, lorsque je reprendrai le chemin du travail, je ne verrai plus certains visages familiers tels que Marie-Christine de gynéco partie récemment en retraite, Christine et Jocelyne pour lesquelles il ne reste que 6 mois à accomplir, Eric dont je n’ai pas encore intégré l’absence définitive, et sûrement bien d’autres… Cette parenthèse dans notre vie, cette aventure familiale, nous met un peu à l’écart de la routine qui se poursuit sans nous.
Le trafic aérien sur Porto  me sort de ma rêverie : les avions  se succèdent dans le ciel, et me perturbent par leur éclairage, notamment lorsqu’ils se positionnent au-dessus des pistes. Puis, au loin, j’aperçois un feu d’artifice.
Tient au fait, quel est le décalage horaire entre la France et le Portugal? moins une heure. Je m’empresse de mettre notre voilier à l’heure portugaise. Cela me vaudra peu de temps après des réprimandes du capitaine qui est dérouté pour mettre le livre de bord à jour. Il est donc 1h quand monsieur sort sa tête et propose de prendre la relève. Cela tombe bien car j’allais m’allonger un peu sur le bain de soleil trempé…au lieu de çà, je gagne le droit à un lit chaud et un peu humide. Pas facile de s’endormir entre le bruit de l’eau le long de la coque, le moteur, la dérive arrière qui claque à chaque mouvement du bateau et….GRRRR faut que je dorme! 2h après environ j’ouvre un oeil, tout est calme dehors et je propose de prendre la relève. Maxime me dit  : « non çà va, en plus y’a beaucoup de bateaux autour à surveiller ». Cool! alors vite je replonge dans les bras de morphées. Et, alors que je suis entrain de rêver qu’Erwan, le parrain de Camille, est à bord et que le prochain quart est pour lui, donc que je peux dormir jusqu’au matin, j’entends « tu dors? tu dors? »
– oh non, je rêvais que…..
– Désolé, mais là je suis trop fatigué.
– Il est quelle heure?
– 6h
Le menteur! au fait il n’est que 5h10 à l’heure portugaise!
Il faut renfiler ses vêtements humides, sortir dehors, s’asseoir sur un bateau mouillé…et mon chéri me dit quand même « je me suis fait du café, il en reste un peu dans le thermos si tu veux ». Pourquoi pas? mais à tâtons, impossible de trouver ce fameux thermos qui ne révèlera sa présence qu’au lever du jour et..pouah le café est froid!
Puis alors que je pense qu’il est toujours devant l’écran, et que je lui parle, je me rend compte qu’il est allé se coucher sans me prévenir, et sans l’éteindre… Je râle. Il se relève pour l’éteindre. Quelques minutes après, alors que je crois qu’il est couché, il est toujours à surveiller l’écran…quel farceur!
Restant seule, je reprends ma surveillance. Je suis surprise de voir les vagues, formées par l’étrave du bateau, le long de la coque. Normalement je ne vois rien la nuit…et je mets un temps certain à comprendre que c’est le plancton, phosphorescent,  qui apparait sur l’écume des vagues. Isa, je ne l’avais pas vu en troublant l’eau du seau rempli d’eau de mer, mais çà y est je l’ai vu!
Puis, peu à peu, l’obscurité s’estompe avec le lever du soleil. Les casiers réapparaissent à ma vue.. et plus tard mes oreilles entendent « clic » « clic », tient cela ressemble à un gilet de sauvetage… et oui, voilà mon Camille qui s’est équipé pour me rejoindre. Avec ses yeux de lynx, aucun risque de passer sur un casier, et je lui apprends même comment les éviter au pilote (nous sommes toujours au moteur). Les deux petits schtrompfes nous rejoindront un peu plus tard, et nous attaquons tout les 4 notre pain/fromage, petit déjeuner le plus apprécié en mer.
Le reste de la journée se déroule entre pêche infructueuse, jeux de société, farniente au soleil, et à 18h30 nous arrivons dans le port de Nazaré. Le choix a été défini par le bonheur de retrouver ma collègue Béa, qui a pris sa retraite au Portugal avec son mari Philippe. La soirée se terminera donc en leur compagnie devant un plat typiquement portugais (une pizza…) très appréciée. Nous leur confirons pour la nuit un grand sac de linge sale.