22 septembre 2014, après avoir déjeuné au mouillage à Cascais, nous levons l’ancre : direction Portos Santo.
Ce matin, j’ai été reprendre un fichier météo pour avoir des informations fraîches et surtout pour affiner notre «  tactique » : la météo annonce des périodes de calme, le jeu va donc consister à se placer le mieux possible pour éviter d’avoir à faire trop de moteur. De ce que nous avons vu sur le papier, nous allons partir dans un faible flux de sud à sud ouest. Le but va être de gagner un peu dans l’ouest afin de se « placer » pour la suite et garder du vent le plus longtemps possible. Très vite, une fois dehors, nous constatons que le vent est plus fort que prévu et qu’il ne vient pas de la direction prévue : rien ne concorde avec les informations que nous avons.

 

Devons-nous rester sur notre stratégie ? je suis perplexe….

Assez vite aussi, nous constatons que notre récepteur AIS (un appareil qui nous permet de voir la trajectoire des cargos) ne fonctionne pas, et nous n’arrivons pas à joindre par VHF un autre bateau parti peu de temps avant nous. Les deux appareils utilisent la même antenne…. Je m’interroge….

 

un peu avant la tombée du jour, nous approchons du DST (Dispositif de Séparation du Traffic) de Lisbonne. Il s’agit d’un « couloir » destiné aux gros bateaux. Nous mettons voiles plus moteur afin de faire un cap correct et de couper les rails au plus court. Au milieu du rail montant le moteur s’arrête d’un coup… Je suis très inquiet….

 

Il y a trois cargos autour de nous. Le vent, s’il nous permet de rester mobile, ne nous permet pas, de part sa direction, d’aller précisément où l’on veut…. Il n’y a pas beaucoup de situations pire pour se retrouver sans moteur… En me voyant stresser les enfants s’inquiètent un peu aussi. Heureusement Manu est là pour temporiser et les rassurer. Ouf nous sortons entiers du premier rail, mais il nous en reste un à traverser… que faire… faire demi-tour, retraverser le rail, et retourner à Cascais, au risque de devoir se mettre au mouillage à la voile ? Traverser le deuxième rail, aller au large et se donner du temps pour régler le problème, au risque de ne pas trouver la solution ? Je suis indécis…
Le moteur a coupé comme lors d’une panne sèche. En examinant de plus prêt, il semble y avoir un problème au niveau de la prise de carburant. Nous arrivons à redémarrer brièvement. Le problème me semble réparable. Nous ne sommes pas sûr de trouver suffisamment de vent en arrivant à Cascais pour manoeuvrer à la voile, nous décidons donc de continuer. Reste à espérer que le vent se maintienne suffisamment pour que nous traversions le rail descendant sans encombre.
J’entends le voilier Libertad (même nom que notre ancien bateau) à la VHF. A la fin de leur conversation, je les contacte à mon tour. Cela me permet de m’assurer que la radio fonctionne, ce qui pourrait s’avérer utile si nous nous retrouvions sans vent au milieu du rail. Pendant mon quart, j’imagine les différentes solutions à  notre problème de moteur… Je pense pouvoir m’en sortir.
Nous croisons un peu moins de cargos sur le deuxième rail et le vent se maintient. Je respire….

 

Nous sommes au près, c’est à dire que nous allons « face » au vent. Outre le fait que ça ne soit pas l’allure la plus rapide, cela à surtout pour conséquence de faire pencher le bateau, on appelle cela la gite. L’occasion de constater que nous avons toujours une fuite dans nos réservoirs d’eau douce à la gite, et donc qu’il y a un peu d’eau dans le bateau… en plus, le réchaud donne des signes de faiblesse…. je peste !

 

Enfin, je jour se lève. Le moral n’est pas au plus haut. Nous avons l’impression que tout se ligue contre nous pour que nous ne réussissions pas à aller jusqu’à Madère. Les enfants sont malades, Manu n’est pas en forme et il faut que j’aille plonger dans la cale moteur pour essayer de résoudre notre problème. Je suis obligé de sortir prendre l’air de temps en temps pour éviter de succomber au mal de mer… Je trouve assez rapidement l’origine du problème et notre moteur semble à nouveau opérationnel. Je suis fier de moi….
Le journée passe tant bien que mal. Nous ne sommes pas dans le même état de léthargie que lors de notre 2ème jour dans le golfe de Gascogne, pour autant ce n’est pas franchement agréable. Le vent s’oriente peu à peu au nord, mais se renforce avec la tombée du jour. La mer est formée, ce n’est pas ça qui va aider les estomacs mal menés… Nous laissons notre cabine à Marin et Camille, car elle nous semble plus confortable en mer (on ne la récupèrera pas de la traversée… c’est un fait, elle est plus confortable, mais plus pour nous…). La nuit s’installe. Je suis de quart, je me lève toutes les 15 à 20 minutes pour faire un tour d’horizon. Le vent continue à monter. Je réveille Manu afin que l’on affale la grand voile. Il y a 30 noeuds de vent (force 7) avec des rafales à 35 noeuds. Je me demande ce que je fait là….
Entonnement, autant le vent et la mer sont bien présents lorsque l’on est sur le pont, autant à l’intérieur c’est relativement paisible. Je suis rassuré…

 

La nuit se passe. Au matin, le vent a faibli, les enfants ne sont pas encore complètement guéris de leur mal de mer, mais cela semble en bonne voie. Petit à petit les conditions de navigation deviennent plus agréables. le vent molli, la mer se calme elle aussi. Nous en profitons pour prendre une douche : un seau d’eau de mer pour se mouiller, savonnage, puis un nouveau seau pour se rincer. Enfin un dernier rinçage à l’eau douce. Nous voilà tout propre.

 

Nous avons trouvé notre rythme. La troisième nuit est paisible. Encore plus pour moi, car Manu trouve qu’elle dort mieux dehors et s’abstient de me réveiller pour mon dernier quart. Je dors comme un bébé…

 

Il n’y a plus de trace de mal de mer, tout le monde à retrouvé l’appétit. Nous commençons à faire des pronostics sur le nombre de nuit en mer restant. Si le vent se maintient, il ne nous en reste plus qu’une. Le loch (le compteur de vitesse) est sous haute surveillance.

Au lever du jour, nous sommes confiant sur nos chances d’arriver avant la nuit. Nous appuyons un peu au moteur lorsque le vent faibli trop. Enfin, on distingue la terre au loin. Nous ne disons rien aux enfants. Ils passent une grosse partie de la journée à jouer, calmement, sans dispute, on en viendrait presque à regretter d’être déjà arrivés. Finalement c’est Simon qui voit la terre en premier. Double ration de tafia pour Simon !